Ressources Humaines : la révolution des compétences
17 septembre 2019 - Temps de lecture : 3 min
Point de vue d’Eric Dumartin,
Consulting Director, C2 Consulting
Depuis plusieurs mois j’ai eu la chance d’échanger avec les DRH et responsables formation d’entreprises réputées pour leur innovation sociale et leur effort de formation, et la bonne nouvelle c’est qu’ils sont tous en recherche de nouvelles solutions. J’évite à dessein de dire qu’ils sont perdus, j’étais il y a encore très peu de temps un de leurs pairs et je ne suis pas du genre à me désolidariser aussi vite…et surtout je comprends tout à fait leurs légitimes et intelligentes interrogations.
La suppression du budget formation obligatoire
Leurs interrogations sont déjà une bonne nouvelle car cela signifie qu’ils ont compris que la donne de la formation avait changé, sans que l’on puisse dire avec certitude s’il s’agit d’un effet de la loi du 5 septembre 2018 ou d’une révolution inéluctable dans la manière de gérer les compétences. Beaucoup des deux sans doute mais reconnaissons au moins à la réforme un mérite, celui d’avoir supprimé le budget formation obligatoire. Un peu comme une armoire vide attire les vêtements dont on n’a pas besoin, le budget formation attirait souvent sans cohérence les formations. La question « qu’allons-nous mettre dans le budget formation cette année » était révélatrice du manque de recul sur ce sujet devenu technique et chasse gardée des DRH et responsables formation.
La formation professionnelle et les projets des salariés
Ce que j’ai apprécié lors de mes rencontres avec ces DRH c’est que la question du « combien » vient systématiquement après celles du « quoi » et surtout du « comment ». Un peu comme si un nouvel espace s’ouvrait à eux et qu’ils souhaitaient l’explorer en maximisant leurs chances de succès. J’ai senti leur souci de se mettre au service de leur stratégie d’entreprise mais aussi des projets des salariés.
Bref, il y a en ce moment « un truc » à saisir autour de la formation, encore faut-il savoir par quel bout le prendre.
Stratégie d’entreprise et formation
Et l’on en vient tout de suite à la stratégie de l’entreprise et à son impact sur l’organisation et les compétences dont elle a besoin qui doit conduire la réflexion. Rien de très nouveau me direz-vous sauf qu’interviennent désormais de façon évidente d’autres paramètres d’importance, comme la nécessité d’attirer de nouveaux collaborateurs, de les garder et de créer un climat propice à la création de valeur. La convergence de ces deux intérêts – employeur/salarié – crée les conditions d’un véritable changement dans l’entreprise, changement qui devrait se retrouver dans le « plan de développement des compétences » instauré par la réforme.
Le plan de développement des compétences
Mais comment aborder ce plan de développement des compétences sans trop se laisser perturber et emporter précipitamment par la ronde des solutions qu’agite frénétiquement le petit monde de la formation et ceux qui font semblant d’avoir tout compris, solutions qui s’appellent AFEST, VAE, IAE, e-learning ?
Pistes de réflexion autour du plan de développement des compétences
Livrons quelques pistes de réflexion : et si l’on passait d’une obligation centralisée à une démarche décentralisée pilotée par les projets de l’entreprise… ? Et si l’on consultait de vrais experts de la pédagogie pour construire des solutions vraiment efficaces ? Et si l’on constituait de vrais partenariats avec des écoles, des organismes de formation, des OPCO et que l’on orchestrait son propre écosystème des compétences…
Leur modèle est également bousculé, il faut essayer de se réinventer ensemble, chacun y a intérêt. En amont bien sûr il faut que les DRH prennent un peu de temps pour penser stratégie avant solution, mais le bref moment que nous traversons, où l’on a fait table rase du passé s’y prête formidablement. Louons donc ces DRH que je rencontre et qui cherchent à s’entourer pour mener cette réflexion qui n’est plus exclusivement RH.
Les leviers financiers
Pour finir disons quelques mots sur une de mes marottes, les leviers financiers qui permettent d’engager cette révolution des compétences. Citons en 3 qui me paraissent emblématiques : la possibilité pour les grosses entreprises de créer son propre CFA (Centre de Formation d’Apprentis), une réponse à la pénurie de main-d’œuvre, le CPF cofinancé qui permet à l’entreprise et au salarié d’investir ensemble dans les compétences, sans oublier les financements qui s’adressent spécifiquement aux TPE. Il en existe d’autres mais les exposer sans réflexion stratégique nous ferait vite retomber dans nos vieux démons : faire un plan à partir d’un budget et non à partir d’un véritable projet.